ça vient d'arriver
Le meilleur des coktails Parano chez les dinos Le Horla et Autres Nouve… Pauca Meae Georges Dandin Roméo et Juliette Othello L'Ecole des femmes Le Voyage de Monsieur Pe… Le baiser de l'ange Chevalier de l'ordre du …
|
RésuméÉtat de choc : La baisse du débit cardiaque entraîne une anoxie et une souffrance de tous les viscères. ( ) Moins de sang arrive dans le cur. La pompe est donc désamorcée. Le malade est prostré, pâle, très angoissé. Lexamen clinique montre une pâleur de la peau et des muqueuses, un refroidissement des extrémités avec cyanose, sueurs froides, polypnée superficielle. Le premier stade est réversible. ( ) Le deuxième stade est irréversible. Lorsque létat de choc sest prolongé quelques heures, lanoxie des tissus a provoqué de telles altérations que les organes ne fonctionnent plus (notamment les reins) et lévolution est mortelle même si la cause du choc est traitée. Encyclopédie médicale à lusage de tous. Juillet 1997 La mer a les crocs. Hier, elle a voulu manger un enfant. Il avait perdu pied et le courant lavait happé derrière les vagues. Il coulait, remontait, coulait de nouveau, sans se débattre. La houle indolente le déportait vers les rochers, son corps promis à un banc de récifs hérissés qui traçaient des balafres décume. Deux jours que la tempête souffle sur le nord de la Corse et déjà trois morts. Entre deux tragédies, la plage retourne à son tapage dété, elle fait semblant de rien. Cette année, il y a un nouveau jeu : les deux joueurs, coiffés de gros pansements fuchsia qui dégagent bien les oreilles, se lancent une balle en velcro quils doivent accrocher de la cagoule, sans les mains. Ils tendent le cou, frénétiques, fouillent lair de la tête, grimacent, se tortillent, on dirait des tétraplégiques trop bavards. Au début le lanceur est hilare. Au bout de trois minutes, plus personne ne rit mais le jeu continue. Il faut passer le temps. Au sol, les corps étalés se tournent, se retournent, accablés de soleil. À grands gestes maussades, ils repoussent le sable qui envahit la serviette. Peine perdue. Des rafales venues dAfrique déferlent, sabattent sur nous comme une vengeance, le vent arrache dun coup plusieurs parasols. Les ombrelles senvolent vers le nord, leurs pieds en acier pointu, furieux, tournoient comme des lances, manquent dembrocher quelques estivants sur leur passage. Les baigneurs sentêtent à rigoler. Ils prennent tout à la blague. Cest les vacances, il faut profiter. Ils jouent avec les vagues la mer hier encore était si douce , de drôles de vagues, blanches dune belle mousse claire, qui vous lèchent la tête en surface, presque innocentes. Par en dessous, elles vous attrapent les jambes en nud coulant et le ressac vous tire dun coup sec derrière la barre. Dix mètres plus loin, vous ne savez plus revenir. Vous dérivez dans un courant latéral qui peut vous assommer contre les rochers. Toutes les demi-heures, il faut aller chercher quelquun. Seulement alors la plage se fige, main en visière sous le soleil, stupéfaite de sentir la mort si près, la mort comme une bête invisible qui les frôle, leur renifle les mollets. La mort, entre le jokari et le matelas gonflable. Hier, donc, nous étions allongés, Cécile, Esther et moi, à labri du vent derrière un rocher. Au loin, nous avons aperçu une femme très brune qui titubait dans leau toute habillée. Échevelée, essoufflée, alourdie par sa robe détrempée, elle avançait en brassant leau de ses jambes, scrutait le large dans un silence de folle. Son enfant dérivait là-bas, livré à la mer. Deux fois, elle sest jetée vers lui. Les vagues nont pas voulu delle, lont recrachée sur le sable, à bout de forces. La plage sest animée dun cri : « Son petit ! Son petit ! Il va se fracasser ! Il faut un nageur ! Vite ! » Plusieurs regards sont tombés sur moi. (Pourquoi moi ? Qui leur a dit ? ). Je me suis jeté. Lenfant flottait à quarante mètres. Je suis allé vers lui par le banc de récifs, agrippé, arc bouté, je ne rendais pas un pouce aux coups de bélier des vagues. Je fendais leau, cétait facile, fluide, javançais vite, presque surpris que mon corps soit si léger, vif comme pour un combat dans la rue. Je nai vraiment nagé que les derniers mètres. Le môme avait tourné le dos à la côte et prenait les vagues de face. Il avalait leau, toussait, plongeait, remontait. Il cherchait lair, griffait la mer à petits gestes secs, le cou tendu, il gaspillait son oxygène et ses forces à tenter de crier. Il aurait pu se noyer là, à quelques mètres du salut. Il ne devait pas avoir plus de dix ans. Dans un abandon de bébé, il sest accroché à moi. Il pesait moins quune plume. Je lai maintenu hors de leau dans une position peu orthodoxe, en le portant à bout de bras. Il sest mis à hoqueter, puis à gémir. En deux minutes, nous étions sur le sable. Il ne me voyait plus, pleurait, courait en rond, vomissait des sanglots pleins de mer, il trépignait pour que sa peur sorte, ça lui jaillissait par la bouche et les trous de nez. Sa mère a fondu sur lui, prenant son poignet comme si elle le rattrapait au bord du vide. Jai presque senti la morsure de ses griffes dans ma propre chair. Elle lengueulait. Il ne la regardait pas, emmuré dans son épouvante. Elle le secouait en récitant un chapelet de punitions mineures : je te supprime la télé, le dessert, tu vas au lit direct et je te confisque ta Game Boy À ces mots seulement, le gosse est sorti de sa torpeur. Il sest mis à chouiner tout doucement une protestation incompréhensible où perçait une détresse familière, banale, rassurante : un chagrin denfant La vie reprenait son cours. Quand la mère sest approchée de moi, leffroi en elle palpitait encore : Je vous remercie, monsieur Oh, de rien, de rien , jai bredouillé, presque inaudible. Que dire dautre ? Je me sentais grandi. Sauver la vie dun homme, dit le Coran, cest sauver lhumanité entière. Le visage de Cécile irradiait cette compassion hormonale, énorme, qui nappartient quaux femmes enceintes. Depuis six mois, elle portait dans son ventre notre deuxième enfant. À vue dil, je venais de faire le bien à la congrégation des mamans. Elle ma chuchoté : «Paul, tu es le héros du jour. » Je me mordais les lèvres, contenant à grand-peine un rire indécent. Heureux. Exalté. Je me sentais comme Sur Emmanuelle, la religieuse dévissée qui lance des stylos en lair sur les plateaux de télévision, qui tutoie le monde et psalmodie dune voix de crécelle : «Oui, le paradis, cest aider les autres, le paradis est sur terre ! Le paradis, cest lautre ! » [...] Produits similaires
Critiques et avisSoyez rémunéré pour chaque avis pertinent déposé ! |