En basse campagne

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É-ly-sée... ton univers impitoyable ! Décidément, le feuilleton des présidentielles continue chaque jour d'évoluer. L'épisode En basse campagne n'utilise pas un scénario nouveau mais fouille dans un passé qu'on connaît déjà : les emplois fictifs, les comptes truqués, les faux électeurs, les fonds secrets utilisés pour des voyages présidentiels privés... Les héros sont évidemment Lionel Jospin, et surtout Jacques Chirac. JC a intérêt à convaincre les électeurs par son programme plutôt que par ses dossiers. Car, à la lecture de En basse campagne, les amoureux de la démocratie pourraient bien prendre peur.
Claude Angeli, rédacteur en chef du Canard enchaîné, et la journaliste Stéphanie Meslier ont enquêté sur les rapports entre Matignon et l'Élysée et sur les nombreuses "casseroles" du chef de l'État. Mise sous silence des éventuels témoins, tentatives d'intimidation des commissaires et des juges (dont Éric Halphen), pressions diverses pour étouffer les scandales et amitiés douteuses entre mitterrandistes nostalgiques et droite ambitieuse... tout est réuni pour faire un scénario de fiction qui dérange. Les faits sont hélas bien réels. Ici, les acteurs s'appellent Chirac, Dumas, Charasse, Villepin, Jacques Vergès, Jean-Claude Méry... rien que du beau linge lavant ses affaires sales en famille mais refusant que la justice y mette le nez. Il y a aussi les autres, les profiteurs, les opposants et les anciens amis de trente ans : la garde rapprochée de Mitterrand qui préfère s'allier à l'Élysée plutôt que de voir gagner celui qui a osé toucher à la mémoire de "Tonton". Les faux amis de Chirac, Bayrou et Madelin, désavouant le président sur son action et ses embarras juridiques, qui côtoient un Giscard en mal de revanche. Et le "groupe de Pasqua", bien encombrant pour la réélection chiraquienne. Sans oublier le cercle intime et la guerre familiale entre une Bernadette très à droite et une Claude voulant ouvrir les bras à un électorat plus à gauche. Il y a aussi la guerre des images entre le Premier ministre et le président avec, en toile de fond, les événements du 11 septembre : la rencontre Chirac-Giuliani, l'agacement de Jospin sur la méthode de communication de Chirac... Et, bien sûr, à savourer comme un vieil épisode de Dallas, le croustillant de la bataille entre deux équipes, cherchant à se piéger l'une l'autre à coups de dossiers perdus, de passé trotskiste, d'affaires à sortir pour faire oublier les siennes.
Alors, oui, on a déjà entendu tout cela. Mais le travail fouillé, méthodique, sans complaisance ni langue de bois des deux journalistes donne un angle nouveau au feuilleton de ces élections et permettra de prendre quelques distances avec la campagne officielle. Jusqu'au jour du scrutin, nul doute que le scénario connaîtra d'autres rebondissements risquant de faire oublier que l'avenir d'un pays n'a rien à voir avec les films de gangsters, même en col blanc.